Le mâle interdit (prêtre, époux, homo)
Le mâle interdit, l’homme sacré, celui qui ne peut pas craquer pour la femme même s’il en mourait d’envie, ce mec-là, c’est l’homme le plus désirable du monde !
Et qui est la femme qui n’a pas un jour fantasmé à l’idée de faire tomber cet idéal masculin ? Imaginez la victoire, que dis-je, le triomphe de gagner non seulement le cœur de cette icône parfaite, mais encore de le faire trébucher dans les plaisirs de la chair… N’est-ce pas ce que de toutes époques l’on a reproché à la nature féminine : sa perversité à piéger le mâle pur, à le souiller en le tirant dans la fange de la lubricité ???
Même si les siècles et les réalités historiques ont depuis longtemps démontré les faiblesses de ce mythe (toutes les femmes ne sont pas des Salomé…), il faut avouer que bon nombre de femmes ressentent des envies bien particulières lorsqu’il est question de séduire un homme qui leur est interdit. Mais qu’est-ce qui exacerbe le plus ce désir : être la seule à avoir vaincu la volonté de cet homme par la sincérité de l’amour ou être l’unique personne à posséder suffisamment de pouvoir sur lui pour le faire abdiquer ? Amour sincère ou satisfaction de puissance, qu’importe, le bonheur engendré par ce fantasme dépasse les limites du simple frisson charnel, il va au-delà du plaisir ordinaire et procure des orgasmes extatiques d’une rare violence.
La femme qui rêve de prendre à une autre son époux, qui espère qu’il quittera sa femme légitime pour elle, confirmant sa supériorité sur l’épouse, se soumet à une relique instinctive des temps anciens où la femelle devait écraser ses rivales pour être élevée au rang de favorite. Et malgré que la femme devine bien la mesquinerie derrière ce désir, elle ressent toujours ce petit velours lorsque la chose se réalise.
À une autre époque, c’était le prêtre qui évoquait le désir interdit et qui jetait le trouble dans l’esprit des épouses et des jeunes filles de bonne famille. Instruit, cultivé, propre, attentionné, l’homme d’Église a suscité le fantasme chez ses croyantes avec un succès qui ne s’est jamais démenti au cours des siècles et certains ont même été brûlés pour cela (Urbain Grandier, séducteur impénitent, mort sur le bûcher à Loudun en 1634). Plus tard, quand les ecclésiastiques ont perdu de leur sex-appeal grâce à l’athéisme montant, ce sont les homosexuels qui sont devenus les sujets du fantasme féminin. Séduire celui qui écoute, celui qui comprend la nature féminine, c’est conquérir enfin l’idéal de la femme : la quintessence de la tendresse avec le petit bidule en plus…